Les mots me passionnent. C’est mes alliés, mon refuge et ma bannière ; de petits soupirs qui chavirent et me font languir et aspirer à un monde cristallin. La poésie est mon moyen, un moyen particulier de chérir les trésors de la vie ainsi que ses douleurs, d’apprécier les visages précieux, de saisir le monde et de le modeler avec mes sens, mon âme, mes espoirs, de l’embellir avec mes peines et mes joies, ma peur, mes rêves, et de faire retentir mon sourire.
Cette sélection est tirée de mes recueils : « Murmures de femmes » et « Tristitia ». À noter, ces extraits sont protégés par le droit d’auteur.
Voile
Ce voile opaque qui te voile la vision
Enlève-le , vogue vers d’autres horizons.
De ta face versatile ne montre pas
La facette effaçant l’humanité en toi.
DU SUD
Je suis Libanaise du Sud
Du pays vert
Où jadis
Nul ne demandait à l’autre
Une denomination,
Puis il y eut la guerre…
Dans mon sang coule
L’eau fraîche de nos sources,
Et de l’huile d’olive …
Je suis du Sud
Du pays du labeur
Du pays de Qana
De pays de Tyr et de Sidon
Du pays de l’amour,
Des miracles,
De la résistance,
Et de la vie.
Je viens d’une terre
Fertile et bonne,
Comme les sourires
De nos grand- mères en prières…
Je suis du pays de l’eau
Qui se transmue en vin,
Et dont l’odeur enivre la pierre
Et dont le bois réchauffe
Les cœurs
Et dont la brise murmure
Un chant mélodieux,
Et des vers interdits ;
Je suis du pays des veuves en noir
Qui chantent
Des hymnes de gloire,
Je suis du pays de ces mères
Heureuses, qui pleurent
Et attendent au bout de la nuit
Fières,
Le retour de leurs fils
Martyrs ; […]
Comprends-moi
Comprends moi ;
Scrutes les douleurs qui m’indisposent,
Et les mains glacées
Qui me tourmentent ;
Comprends l’étendue de mes regrets
Trouves la clé
De mon gouffre rapace ;
Comprends l’emprise du chagrin
Qui me vole le sommeil,
Me submerge d’ennui
Et me grise.
Comprends moi ;
Réchauffe mes étincelles et mes flocons
Et ce néant qui me ronge ;
Comprends mes langages symboliques,
Décode et réapprends les moi,
Subtilement ;
Comprends la déliquescence
Qui me décompose, m’engloutit ;
Délivres moi
De moi.
Je t’aime et je t’attends
Tes aspérités ne me blessent pas Tes angles sont doux
Comme des courbes félines ;
Tes névroses,
Je les comprends,
Mon frère humain,
En ce soir de pourpre,
Je t’aime et je t’attends…
Même si j’ai ce goût âpre,
Bizarre mélange de sève et de fiel,
De boue et de cendre,
De sadisme et de tendresse,
Tu m’aimes et tu m’attends.
Je te sens marcher
Près de moi,
Me toucher de ce regard
Long et lent, patient
Ton effusion de douceur
Ton empathie touche mon cœur
Solitaire et apeuré ; […]
JERUSALEM
Il est des villes
D’où jaillit la foi,
Où la nature entonne en chœur
Ses alléluias;
Où même les murs
Deviennent lieux de prières
Et de conflit;
Il est des villes saintes;
Il est Jérusalem
Mythique parmi les villes éternelles
Qui transcendent le plan terrestre;
La plus sacro-sainte des villes;
Qui abrite les lieus bénis,
Toutes confessions confondues,
Berceau des doctrines humaines,
Mère de la compassion, de la dévotion,
Terre de miracles et de mission divine
Ville d’amour, de paix, du conflit sacré,
Je t’aime.
Quand je pense à toi, Jérusalem,
Je pleure, et je pleure, et d’en plus finir
Je pleure encore. Je prie ;
Mon cœur en pèlerinage bondit vers toi
Jérusalem;
Ville du plus beau discours d’amour!
Ville de tous les enfants,
Du respect de l’enfance,
Tu ne mérites pas de voir l’enfant Mohamad al Dorra,
de son père bouclier,
Et toutes les souffrances
Qu’on inflige au peuple de Palestine.
Qu’est il advenu de toi, Jérusalem ?
Ville de la sagesse ou ville de toutes les folies
Serais tu devenue ?
Quel mal, quel fléau, quelle démence,
Quel démon méchant
T’a-t-il atteint de sa lance venimeuse ?
Serais tu devenue
Un hôpital psychiatrique aux dimensions du monde?
Ville de lumière et d’unité, ville martyre,
Ville des émigrés sur leur propre terre,
Tu ne mérites pas l’injustice;
Tu ne mérites pas le trépas ;
D’un rêve insipide réapparue;
Voilée de souffrance et de résistance,
Toi qui fut toujours radieuse dans tes silences
Et tes prières;
Entourée d’anges et de mystères ;
Qu’es tu devenue ?
Délivrance clouée sur ta croix,
Tu subis ton supplice couronnée de tes épines ;
Gracieuse et éternelle.
Ôte ce haillon de guerre, boucherie humaine
Qui traîne ses immenses troupeaux, résignée ;
Déchire ce manteau noir et cette muselière…
Qu’est ce que ta guerre ?
Expansion territoriale et extermination raciale ?
Epuration ethnique ?
Ou un pur sadisme ?
[…]
PAS DE CE MONDE LÀ
De l’époque du roi David et de Ponce Pilate
Aux seigneurs ignobles de la guerre contemporaine
La mort est la même,
Du sang et des cadavres…
Des morts cloués sur des croix
Jusqu’à ceux écrasés sous les blindés
Des hommes assoiffés de sang s’entretuent ;
De grands discours d’amour
Ils n’ont compris que la haine…
Entretuez-vous les uns les autres !
Du sadisme de l’antiquité
Des prisons, des tortures, de l’inquisition
Jusqu’aux guerres chimiques et nucléaires
On a poussé la barbarie trop loin…
Quelles fautes ont-elles commises
Pour subir ce monde injuste
Toutes ces mères apeurées qui souffrent.
Ces enfants qui n’ont plus rien de l’enfance,
Ou peut être l’inconscience
D’accepter la guerre de leurs aînés ;
On exploite leur innocence,
Leur seul malheur étant d’être nés dans le tiers monde!
Ils ignorent tout de la guerre des grands.
Pour des jouets,
Ils ont des fusils, de la poudre et des munitions.
Au lieu des écoles, ils sont sur le front,
Derrière les barricades.
Quel lendemain offrons nous à ces créatures fragiles,
Nos pères et mères de demain ?
Pourquoi ne les a-t-on pas épargnés ?
Tu avais raison de refuser ce royaume.
La terre est elle devenue jungle?
Les lieus de recueillement
Devenus la raison des conflits ?
On se bat au nom des religions ;
Ironie du sort ou damnation et calamité…
Qui a inventé le fanatisme
Pour dénaturer le message d’amour et de paix ?
Qui a inventé le terrorisme
Et osé changer le contenu humain des livres sacrés ?
Au lieu d’une solution aux problèmes de l’humanité Désorientée,
C’en est devenu le fardeau, la raison de la haine.
Ils souffrent tous!
Serons nous déjà dans le purgatoire ?
Après toutes ces années,
Ils n’ont toujours pas compris, ou bien Père,
Ne nous as-tu pas encore pardonné?
Caligula, Hérode, César et leurs héritiers
Inventent les cirques
Pour rire des victimes déchiquetées;
Leurs rires résonnent encore dans les tombes.
Du cirque romain, des gladiateurs et des lions,
Usines de mort et de souffrance,
Jusques aux armes de destruction massive,
On cultive la haine et on développe les procédés.
Le clairon romain était hymne à la mort
Autant que le bruit des canons sonne le glas
Aujourd’hui, en Iraq, en Bosnie et ailleurs ;
Où allons nous?
De Jérusalem jusqu’à Bagdad
La mort est un pain quotidien.
Les médias en parlent avec désinvolture
Même, parfois, avec fierté.
Même la mort devient une habitude !
On a poussé le cynisme trop loin ; […]
FÉVRIER 2005
Je te cherche dans les visages
Toi que je connais depuis toujours !
Je te cherche et je te connais,
Je sais ton regard ;
Je sais ton sourire ;
Je sais ton soupir indicible;
Je sais ton image.
Je sais ton amour
Et mon désir,
Incommensurables !
Je te cherche ;
Je me cherche en toi.
Si bref que sois le rêve
C’est toujours un enchantement !
Etranger
Qui circule dans mes veines
Qui bat dans mes tempes
Sève précieuse,
A l’aurore de mes insomnies !
Ta douleur est mienne
Et le poids de tes inquiétudes
Je le connais aujourd’hui!
Je le vis dans la retraite qui s’impose…
Me crois-tu heureuse
Etranger de mes rêves?
Tu me crois joyeuse et lointaine
Dans mes édens artificiels…
Pourtant tu sais la profondeur de mes gouffres
Et les démons de mes nuits […]
CHAIR
Chair chère à mon passé
A ma mémoire
A mon envie de survivre et d’oublier
Je te garde en moi
Chair qui m’a appris à me masquer
Chair qui fleurit à chaque souvenir,
M’intimide et me refroidit ;
Me gifle avec cette incertaine nausée
Qui m’interpelle, me rappelle
Qu’il est humain de trahir,
De dépasser.
JE FLEURIS
Je fleuris
Quand pleut ta voix fraîche
À la porte de mes songes
Comme une rosée gracieuse
Se pose
Sur un pétale de rose…
Pieusement
Pieusement,
Je contemple l’aube qui pointe.
Pieusement,
Je me submerge de brise qui me noie.
Pieusement,
Dans l’absolue sérénité de l’ultime symbiose
De cet univers qui souffre de givre et de froid,
Je souris au souvenir que je lègue au pan de l’oubli.
Je dépasse la nuit de mon rêve
Et le bleu de ma nuit ;
Perpétuels mensonges
Inexplicablement chavirent,
Tombent, retombent, se noient, respirent…
Pieusement
Dans le tourbillon des voix qui reviennent,
Je chante un chagrin qui se dissipe,
Et réalise que la vie
N’est vie que par ses peines,
Et qu’un amour qui s’en va,
Amertume qui ronge,
Regret de nos songes qui nous laisse ébahis,
S’efface
Et se remplace d’autres songes,
[…]